Le 12 avril dernier, j’organisai avec l’association Le Mouton Numérique dont je suis adhérent, une rencontre entre Serge Tisseron, psychiatre spécialiste des rapports humains aux technologies, et Jérôme Monceaux, roboticien Président de Spoon Artificial Creatures. Le fil conducteur de leur discussion était : “Pourquoi nos robots deviennent-ils empathiques ? Du bon usage des émotions en robotique interactive”. Je suis très heureux de publier aujourd’hui la vidéo de cette soirée.
“Alors, y avait qui ?!”
Une rencontre :
- Proposée dans le cadre de l’activité du Mouton Numérique
- Portée et introduite par moi-même
- Animée par Marion Genaivre, co-fondatrice avec Flora Bernard de l’agence de Philosophie Thaé
- Nourrie par les réflexions de nos deux invités Serge Tisseron et Jérôme Monceaux que nous remercions chaleureusement.
Du bon usage des émotions en robotique interactive
La robotique sociale n’est désormais plus circonscrite aux seuls laboratoires de recherche universitaires. Ses avancées techniques et son potentiel économique très prometteur conduisent un nombre croissant d’entreprises privées à s’inscrire dans ce que l’on pourrait nommer le « tournant social et émotionnel de la robotique ». La robotique sociale a pour objet la conception d’artefacts capables d’interagir socialement avec l’humain et de socialiser la délivrance de service en tout genre. De l’assistance aux personnes âgées, à l’accueil en magasin en passant par l’objectivation comportementale des voitures autonomes et la mise à disposition des services digitaux des « villes connectées », les applications sont nombreuses, justifiant en grande partie les initiatives des différents acteurs économiques du secteur. Mais cette robotique, que l’on nomme parfois « empathique » du fait des capacités émotionnelles qui accompagnent la socialité artificielle des robots, n’est pas sans poser question. Au schéma économique qui se dessine peu à peu sur son chemin, ne correspond aucune évidence éthique. Qu’implique réellement le devenir émotionnel des robots en termes de rapport à la technologie et, en dernière instance, au monde ? Aussi fondamentale soit-elle dans notre vie sociale, l’émotion n’est-elle pas l’un des vecteurs les plus puissants de manipulation ? Le robot social risque-t-il de devenir le « cheval de Troie émotionnel » de forces économiques dont l’intérêt ne réside pas nécessairement dans la promotion du bien commun ?
Par ailleurs, il est un sujet que les débats classiques (IA menaçante existentiellement et/ou économiquement) sur la robotique omettent de traiter : celui du type de socialité promis par les robots sociaux. Quelles sont les spécificités des interactions Humain-Robot ? Quel rôle cette nouvelle socialité joue-t-elle dans notre construction subjective personnelle ? Si l’individu est bien cet être en devenir permanent qui acquiert sa singularité à travers ses interactions sociales, vers quels processus d’individuation la « socialité artificielle » nous conduit-elle ?
Loin de l’écueil des passions technophiles ou technophobes, l’objectif de ce débat est de faire émerger de la convergence à partir des divergences éventuelles pour explorer des pistes de développements souhaitables.
Le Mouton Numérique est une association qui interroge la société qui innove. En faisant dialoguer faiseurs et penseurs du numérique, le collectif a choisi de renouer avec le débat démocratique et d’éclairer nos choix technologiques.